Que de chemin parcouru depuis que Tim Berners-Lee créa le Web en 1991. Année qui a aussi vu l’apparition de la première génération des outils dédiés à la recherche de sites Web. Ces sites ont connu une évolution quantitative exponentielle entraînant de fait, une surproduction d’information (infobésité), ce qui implique aujourd’hui, la nécessité d’avoir des mécanismes et outils de recherche qui permettent une recherche efficace (rapidité et pertinence) de l’information ainsi publiée. Cette nécessité a été levier de l’évolution technologique des moteurs de recherche, mais aussi de l’apparition du « nouveau » concept qu’est le Web sémantique, dont je me propose de faire l’exposé dans ce billet.
Qu’en est-il ?
Brièvement expliqué, ce concept a pour objet de faciliter l’accès aux informations disponibles sur le Web. La vision de Tim Berners-Lee est de rendre la sémantique des ressources du Web explicite, de manière que les programmes puissent l’exploiter comme nous autres humains. Cela grâce à l’interopérabilité des métadonnées qui va permettre aux moteurs de trouver et de mettre en relation des données jusqu’alors confinées dans leurs sites (ou leurs bases de données, une grande partie du Web invisible est confinée dans des bases de données). Le but est de permettre aux robots (fureteurs du Web) de « comprendre » le contenu des sites, grâce à l’emploi de langages adéquats (le RDF ou Resource Description Framework pour les métadonnées ; le OWL : Web Ontology Language pour les ontologies).
Pour illustrer ce qu’est le Web sémantique, prenons un exemple tout simple : on choisit de faire une recherche sur « Abdou Diouf ». Un moteur classique comme Google va afficher des milliers de pages où figure le nom Abdou Diouf, mais un moteur estampillé Web sémantique va orienter la recherche en proposant le nom « Abdou Diouf » selon des qualificatifs (fonction, profession,…plus précisément pour cet exemple : président du Sénégal, secrétaire général de la francophonie, etc.). Donc il faut arriver à ce que les moteurs de recherche puissent « saisir le sens » des ressources du Web qu’ils indexent (expression qui a une autre signification ici et qui est différente d’une quelconque compréhension du langage naturel par les machines). Ceci implique, dans l’ « idéologie » du Web sémantique de rendre cette information disponible à ces programmes sous forme d’ontologies (voir ci-dessus). Le bénéfice principal que l’on obtient avec pareille chose, est l’abrègement considérable du temps de recherche et qui rime avec réduction importante du bruit (informations superflues non désirées).
La philosophie du Web sémantique est aussi d’exprimer les métadonnées dans un modèle entité-relation (voir les FRBR) et d’identifier toutes les entités à l’aide d’URI (Uniform Resource Identifier, « identifiant uniforme de ressource »). Pour nous bibliothécaires et assimilés, les enjeux que nous devons saisir concernent : l’exposition des données structurées dont nous disposons par l’émiettement de la connaissance en proposant une description bibliographique au niveau le plus élémentaire. Cet enrichissement des données nécessite la reconnaissance d’entités nommées (de façon à ce que les moteurs reconnaissent les noms de personne, les lieux, les manifestations., etc.), leur catégorisation et leur localisation géographique.
Dans le prochain billet je me propose d’approfondir l’argumentation ainsi introduite et qui vise à monter que les bibliothèques sont très bien placées pour réaliser ce travail et doivent être des acteurs sûrs et « incontournables » du Web des données (autre appellation du Web sémantique).
Pour ce qui est des outils, je vous propose trois moteurs estampillés Web sémantique :
- Hakia : (2006) Le défi d’Hakia est de construire un moteur de recherche sémantique, c’est-à-dire, destiné à rendre les résultats des recherches basés plus particulièrement sur le sens des mots clés. Le principe étant de faire la relation entre les mots, à la manière du cerveau humain. C’est une nouveauté par rapport aux moteurs de recherche classiques qui utilisent la popularité et les occurrences par indexation conventionnelle.
- Spock : moteur pour recherche d’individus (fonctionnement depuis août 2007). La fonction de recherche y est accessible à tous les internautes, sans inscription préalable. Il suffit de renseigner le nom d’un individu et éventuellement d’affiner la requête avec son âge, son sexe et son origine géographique. Spock offre aussi la possibilité de rechercher des individus à partir de mots-clés comme «Senegalese musician», qui remonte alors une liste de musiciens sénégalais (je vous laisse deviner ceux qui sont les premiers cités ou bien faites l’expérience). Chaque profil apparaît sous forme de fiche renseignée d’une photo, de tags (mots-clés) censés décrire l’individu, et d’une liste de proches. Si l’accès à la recherche de base est accessible à tous, Spock invite les utilisateurs à s’inscrire afin de profiter de fonctions supplémentaires. Cela leur permet d’affiner leur propre profil mais aussi de participer à l’amélioration du service en ajoutant des tags aux individus pour mieux les qualifier (par exemple, journaliste, musicien…), l’objectif étant d’améliorer la pertinence du moteur.
- Swoogle : (développé depuis 2004 par Ebiquity group à l’Université du Maryland) moteur de recherche sur les ontologies.
Ce Web sémantique, selon certains spécialistes, est la future évolution du Web (3.0 ?), raison de plus de demeurer éveillé et/ou veilleur pour ne pas rester en rade.
Merci à Pani Zuza Wiorogorska pour ta précieuse collaboration
Prochainement la suite au même port d’escale.
PS : pensée pieuse pour madame Rose Dieng (éteinte ce 30 juin 2008 à Nice), spécialiste d’Intelligence Artificielle à l’INRIA et travaillant ces dernières années sur la gestion des connaissances et le web sémantique. Cette compatriote s’était vue décerner par le Ministère de la Recherche (France) et le groupe EADS le prix Irène Joliot-Curie 2005 distinguant ainsi une femme qui s’est affirmée par son parcours et sa contribution à la science. Je vous propose une de ses interventions concernant le web du futur où elle parle entre autres du Web sémantique.
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