Un aperçu du futur possible de la bibliothéconomie sous la forme d’une déclinaison professionnelle en bibliothécaire holographique.
À une époque où la transformation numérique continue de redéfinir les contours sociaux, la profession de bibliothécaire est peut-être sur le point de vivre une évolution majeure. Le concept de « bibliholographie » représente une plus-que-probable prochaine frontière de la bibliothéconomie, fusionnant la technologie avancée avec notre rôle intemporel d’orienter les utilisateurs à travers d’immenses paysages informationnels. Ce billet explore ce que pourrait être le potentiel des bibliholographes, depuis leur modèle de création jusqu’à leurs applications pratiques dans l’avenir des services bibliothéconomiques. L’inspiration de ce concept m’est venue du concours d’avatars organisé en ligne par le Groupe d’intérêt particulier des nouveaux professionnels de l’IFLA du 25 au 28 août 2024, dont le but est d’imaginer le bibliothécaire du futur en le matérialisant sous une forme picturale digitale.
Création d’un bibliholographe
Au cœur du bibliholographe (Hologralibrarian en anglais) se trouverait une combinaison sophistiquée d’intelligence artificielle (IA), d’apprentissage automatique (ML) et de technologie holographique avancée. Le processus commence par le développement d’un système d’IA capable de comprendre et de traiter d’énormes quantités de données. Cette IA est formée sur un ensemble de données diversifié englobant l’intégralité des science et techniques bibliothéconomiques, depuis la description catalographique jusqu’à la recherche d’informations, en passant par les modèles d’interaction avec les utilisateurs (prêt, animation, référence…)
La base de connaissances de l’IA est enrichie par un apprentissage continu, tirant parti de données provenant de milliers/millions d’interactions, de fiches de catalogage et de productions de recherche. Elle est programmée pour reconnaître les requêtes en langage naturel, ce qui la rend capable de comprendre et de répondre aux demandes des utilisateurs en temps réel. Par exemple, lorsqu’un utilisateur demande : « Pouvez-vous me trouver tous les articles de recherche sur les énergies renouvelables publiés au cours des cinq dernières années ? », le « proto-bibliholographe » identifie non seulement les documents pertinents, mais fournit également des analyses sur les tendances dans ce domaine de recherche.
Une fois l’IA suffisamment formée, elle est associée à une interface holographique – une représentation tridimensionnelle avec laquelle les utilisateurs peuvent interagir en temps réel. Cet hologramme est conçu pour être à la fois visuellement attrayant et intuitivement réactif, imitant la présence d’un bibliothécaire humain. La technologie derrière cet hologramme implique la projection de lumière, des écrans holographiques, et des systèmes de capture de mouvement qui permettent au bibliholographe de se déplacer, de gesticuler et de répondre aux questions des utilisateurs de manière dynamique. La science-fiction a déjà ouvert la voie de l’imagination à ce propos avec, entre autres, les épisodes cinématographiques de la saga « Star Wars » (notamment celle numéro IV dénommée « Un nouvel espoir » datant originalement de 1977 déjà), où certains personnages sont matérialisés en hologramme délivrant des messages d’outre-monde.
Le but principal de la création d’un bibliothécaire holographique sera d’améliorer l’accessibilité et l’efficacité des services documentaires. Les bibliothèques sont souvent confrontées à des défis tels que le manque de personnel, les heures d’ouverture limitées qui leur privent d’une présence humaine continue, la non-interactivité des services Web (sites et portails documentaires) même dynamiques, etc… Le bibliholographe répondra à ces problématiques en fournissant une assistance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, offrant aux utilisateurs un accès immédiat à une mine d’informations sans les contraintes de la présence physique ou celle des horaires fixes. De plus, il servira d’outil innovant et attractif pour engager une génération technophile qui s’attend à des interactions numériques de plus en plus fluides.
Quelques fonctions pratiques du bibliholographe
- Assistance personnalisée aux utilisateurs : le bibliholographe sera équipé pour offrir un soutien personnalisé à chaque utilisateur. Grâce aux algorithmes pilotés par l’IA, il peut analyser les interactions passées d’un utilisateur, ses préférences et ses requêtes pour fournir des recommandations sur mesure, qu’il s’agisse de rechercher des ressources spécifiques ou d’explorer de nouveaux sujets. Par exemple, un étudiant préparant une thèse sur l’histoire africaine pourrait interagir avec le bibliholographe. L’IA, reconnaissant le focus précédent de l’étudiant sur les sociétés africaines précoloniales, pourrait suggérer des archives numériques récemment acquises, des articles académiques pertinents, et même connecter l’étudiant avec un expert dans le domaine pour un accompagnement supplémentaire.
- Recherche d’information avancée : tirant parti de sa vaste base de données et de ses capacités d’IA, le bibliholographe pourra effectuer des tâches complexes de recherche d’information, depuis la localisation de livres rares au sein d’un réseau mondial de bibliothèques jusqu’à la synthèse d’informations dans plusieurs disciplines. Cette fonctionnalité transforme le rôle traditionnel du bibliothécaire en un guide intelligent à travers l’univers en constante expansion de l’information numérique. Par exemple, un chercheur en quête d’études comparatives sur les politiques économiques dans les pays en développement pourrait recevoir un rapport synthétisé généré par le bibliholographe, incluant les conclusions clés de diverses sources, des représentations visuelles de données, une liste des ouvrages les plus cités dans le domaine, ainsi que les profils détaillés des auteurs, etc.
- Ateliers virtuels et formations : il pourra animer des ateliers virtuels, guidant les utilisateurs à travers l’utilisation de ressources numériques, les méthodologies de recherche, les dernières avancées en sciences bibliothéconomiques et techniques documentaires, des services de référence à haute valeur ajoutée, etc. Ces sessions peuvent être interactives, permettant aux utilisateurs de poser des questions et de recevoir des réponses en temps réel, créant ainsi un environnement d’apprentissage dynamique. Par exemple, un groupe d’étudiants novices en recherche académique pourrait participer à un atelier virtuel dirigé par le bibliholographe, où ils apprendraient à accéder aux bibliothèques numériques, à évaluer les sources et à utiliser des outils de gestion des citations, s’inscrivant ainsi dans une perspective de maitrise de l’information (Information Literacy en anglais). L’hologramme pourrait adapter le contenu en temps réel en fonction des progrès du groupe, garantissant une expérience d’apprentissage personnalisée.
- Intégration fluide avec les répertoires numériques : à mesure que les réservoirs numériques de données et de documents continuent de croître, le bibliholographe jouera un rôle crucial dans la gestion et la facilitation de l’accès à ces ressources. Il aura la capacité d’indexer, de cataloguer et de récupérer des ressources numériques avec une rapidité et une précision sans précédent, garantissant que les utilisateurs puissent naviguer facilement à travers des collections vastes de données. Par exemple, un membre du corps professoral ayant besoin d’accéder à un ensemble de données particulier pour un projet de recherche en cours pourrait s’appuyer sur le bibliholographe pour non seulement localiser les données en quelques secondes, mais aussi fournir un contexte sur leur utilisation, leur licence et des études connexes ayant utilisé le même ensemble de données (Dataset).
- Recherche collaborative améliorée : il pourra également servir de pont dans les projets de recherche collaborative, connectant les chercheurs à travers le monde. Il peut faciliter le partage de données en temps réel, les réunions virtuelles et la co-création de connaissances, en faisant un outil inestimable dans le paysage académique et de recherche. Par exemple, une équipe de recherche multinationale travaillant sur des modèles de changement climatique pourrait utiliser le bibliholographe pour programmer des sessions de collaboration virtuelle, partager et analyser des données en temps réel et compiler un rapport complet accessible à tous les membres de l’équipe, quel que soit leur lieu de résidence.
Impact sur la profession de bibliothécaire
L’avènement du bibliholographe marquera un changement significatif dans le rôle des bibliothécaires. Alors que les fonctions traditionnelles de la bibliothéconomie – telles que la gestion des collections et l’orientation des utilisateurs – resteront, l’ajout de la technologie holographique ajoutera de nouvelles dimensions d’interaction et d’accessibilité.
Les bibliothécaires du futur ne se contenteront pas de gérer ces systèmes holographiques, mais veilleront également à ce qu’ils fonctionnent de manière éthique, inclusive et en accord avec les valeurs de la profession bibliothéconomique. Cela implique de relever des défis tels que la protection des données, de garantir un accès équitable à la technologie et de maintenir une touche humaine dans une ère numérique.
Le développement professionnel évoluera également, les bibliothécaires devant acquérir de nouvelles compétences en gestion de l’IA, en technologie holographique et en éthique numérique. Les institutions offrant des programmes de sciences de l’information intégreront probablement ces domaines dans leurs curricula, préparant les futurs bibliothécaires aux exigences d’une profession technologiquement avancée.
Le « bibliholographe » sera bien plus qu’une simple nouveauté technologique ; il représente la prochaine étape dans l’évolution des services bibliothécaires, combinant le meilleur de l’expertise humaine avec la technologie de pointe pour créer un avenir où la connaissance est plus accessible, personnalisée et dynamique que jamais.
Liens
Books Hologram Stock Photos—Free & Royalty-Free Stock Photos from Dreamstime. (s. d.). Dreamstime. Consulté 27 août 2024, à l’adresse https://www.dreamstime.com/photos-images/books-hologram.html
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Staley, D. J. (2001). Review Essay : Digital Historiography: Algorithms. Journal of the Association for History and Computing. http://hdl.handle.net/2027/spo.3310410.0004.118
Wójcik, M. (2017). Holograms in libraries – the potential for education, promotion and services. Library Hi Tech, 36(1), 18‑28. https://doi.org/10.1108/LHT-11-2016-0142
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