N° 107 – Collaboration archivistique : clé de voûte de la sauvegarde de la mémoire africaine

INTRODUCTION

Dans le cadre de la célébration de la semaine internationale des archives 2024, j’ai eu l’honneur de contribuer à un webinaire organisé par l’ONG « Archivistes Leaders« . Le thème portait sur la collaboration archivistique. Je partage dans ce billet une description détaillée des aspects de ma présentation.

              L’importance du patrimoine documentaire africain est inestimable. Il constitue un témoin essentiel de l’histoire, des cultures et des sociétés africaines. Cependant, ce patrimoine est fragile, soumis à la dégradation, à la dispersion et au manque de ressources. Il est donc crucial de mettre en place une collaboration institutionnelle et interpersonnelle pour préserver et valoriser la mémoire collective africaine, car « La conservation du patrimoine archivistique, garant de la mémoire, est à la fois intellectuelle et matérielle. On ne peut séparer ces deux aspects du métier des archives étroitement liés :  transmission intellectuelle des fonds d’archives et conservation matérielle du support des documents » (Association des archivistes Français, 2020).

Patrimoine en danger

              Le patrimoine documentaire africain est en péril en raison de la dégradation des supports, des conflits, des pillages et du manque de moyens. Les sources documentaires sont dispersées, avec des archives coloniales situées en Europe, des collections privées et des documents oraux non enregistrés. La sauvegarde de ce patrimoine est cruciale pour la construction des identités nationales et la transmission du savoir. Les archives jouent également un rôle vital dans la recherche, l’éducation, la justice et la bonne gouvernance.

Enjeux de la sauvegarde de la mémoire documentaire africaine

              La préservation de la mémoire collective et des recherches historiques à venir passe par la sauvegarde des archives, quels que soient les périodes  (Mbaye, 2004). Dans cette optique, les axes de collaboration archivistique offrent de nombreux bénéfices. La mutualisation des ressources permet de partager les compétences, les financements et les équipements. Cela inclut la formation continue des archivistes pour améliorer leurs compétences selon les standards internationaux, ainsi que le partage de connaissances et d’expertises entre institutions. Les ateliers, séminaires et programmes de formation renforcent les capacités des archivistes, leur permettant de rester à jour avec les tendances évolutives de l’archivistique.

              L’accès à des financements partagés pour des projets de grande envergure est aussi essentiel. La collaboration avec des organismes internationaux permet d’obtenir des subventions, tandis que la mise en commun des ressources financières facilite la réalisation de projets de numérisation et de conservation. Le partage des équipements spécialisés, comme les scanners et les logiciels de gestion archivistique, ainsi que l’acquisition collective de technologies de pointe, est crucial pour la préservation et la numérisation des archives. L’accès mutualisé à des infrastructures de stockage sécurisées et adaptées est également un avantage significatif.

              Le programme de renforcement des compétences périodiques sur les tendances évolutives de l’archivistique permet de mettre à jour les compétences des archivistes grâce à des partenariats, tels que ceux avec le Programme Mémoire du Monde (MoW). La réflexion collaborative sur les curricula de formation en archivistique visera à harmoniser les contenus des formations initiales en Licence et Master. Les interactions via des communautés de pratiques formelles ou informelles favorisent le partage de connaissances tacites et formalisées entre pairs archivistes.

              L’uniformisation de la saisie des métadonnées pour l’élément « producteur » (personnes, familles, collectivités), par exemple, est un autre aspect crucial. La portée d’une telle réalisation, serait d’avoir un fichier d’autorités (de dimension nationale), harmonisant la description et la terminologie d’accès via cet élément essentiel en archivistique.  L’adoption de normes internationales adaptées aux besoins spécifiques, comme le Dublin Core et la description archivistique encodée (EAD), garantit une description cohérente et interopérable des fonds archivistiques africains en contexte numérique. En effet, l’adoption de normes internationales et le développement d’outils communs sont essentiels pour assurer l’interopérabilité et l’accessibilité à long terme des archives numériques dans un monde de plus en plus interconnecté (Duranti, 2010). Les modèles conceptuels, tels que le modèle Records in Contexts (RiC), développés par l’ICA, jouent également un rôle clé et nécessitent une appropriation, dont la forme collaborative permet d’en faciliter l’acquisition de compétences. Un programme de formation régionale en la matière en serait une parfaite illustration.

              L’accès facilité aux sources est une priorité. Cela inclut la création d’archives ouvertes sur la production académique archivistique, ainsi qu’un système commun d’information archivistique sous forme de portail collectif regroupant plusieurs services ou institutions d’archives. Les initiatives d’accès libre aux ressources numériques et les projets d’accès ouvert pour les archives permettent un accès plus large aux documents historiques. Ces prototypes d’outils pratiques (portail commun de ressources archivistiques et Archive ouverte fédérative pour la littérature grise archivistique), sont des illustrations concrètes des possibilités offertes par la collaboration archivistique.

              Les projets communs, tels que l’inventaire du patrimoine, les expositions virtuelles collectives transnationales, et les publications (exemple d’une Revue interafricaine d’archivistique) sont également importants. Un catalogue unifié de formations diplômantes en archivistique, avec harmonisation des contenus, favorisera la mobilité horizontale entre enseignants de divers pays. La promotion de la culture archivistique à tous les niveaux, y compris l’éducation formelle et le grand public, est essentielle. Les kits archivistiques et les Serious Games (gamification ou ludification) permettent d’impliquer et d’éduquer un public plus large, y compris les plus jeunes. Comme le souligne Millar (2017), éduquer le public sur l’importance des archives n’est pas seulement une responsabilité professionnelle, c’est un impératif social. Les archives sont les gardiens de notre mémoire collective et de notre identité.

              L’encouragement des institutions, chercheurs et bailleurs de fonds à soutenir les projets de collaboration est vital pour la sauvegarde et l’accessibilité de la mémoire documentaire africaine. La collaboration intra-africaine, intra-documentaire et extra-documentaire, ainsi que la transformation numérique du secteur archivistique, sont des éléments fondamentaux et incontournables pour le futur de l’archivistique en Afrique. Comme le souligne Ngoepe (2019), la collaboration intra-africaine dans le domaine des archives est essentielle pour préserver notre patrimoine commun et renforcer notre identité collective. Elle nous permet de raconter nos propres histoires et de façonner notre avenir.

Conclusion

La transformation numérique des archives représente bien plus qu’une simple évolution technique. Elle constitue une formidable opportunité de repenser notre relation avec le passé et de démocratiser l’accès à la mémoire collective. Comme le souligne Theimer (2014), la transformation numérique des archives n’est pas seulement une question technique, c’est une opportunité de repenser notre relation avec le passé et de démocratiser l’accès à la mémoire collective. Cette transformation permet de rendre les archives plus accessibles, de les préserver de manière plus efficace et de les intégrer dans un réseau mondial de connaissances partagées. Elle ouvre également la voie à une plus grande transparence et à une meilleure gouvernance, en permettant à un public plus large d’accéder aux documents historiques essentiels. La transformation numérique est une étape cruciale vers une gestion plus inclusive et participative de notre patrimoine documentaire, assurant ainsi sa préservation et sa valorisation pour les générations futures, qui en feront un socle pour continuer de planifier et réaliser le développement africain.

Ci-dessous la présentation en version originale
https://www.slideshare.net/slideshow/embed_code/key/nzgPwFE3ITIPMA?startSlide=1

Collaboration archivistique : Clé de voute de la sauvegarde de la mémoire africaineen Afrique from Antonin Benoît DIOUF

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