N° 68 – Réseaux et contenus documentaires africains dans le Web

En d’autres temps ce titre aurait sûrement plus étonné, voire suscité une curiosité légitime avec sans doute, en toile de fond, la quasi certitude de voir derrière cette pareille réalisation, l’idée et l’assistance de mains plus expertes provenues d’autres cieux. La réalité actuelle est toujours imprégnée de cet accompagnement émanant de l’extérieur, permettant au monde documentaire africain de prendre en marche le train des réseaux numériques et ses wagons de contenus qu’empruntent depuis quelques années ceux des pays développés ou émergents. Une des caractéristiques essentielles de ces réseaux documentaires numériques est la mutualisation des ressources et plus particulièrement, la collectivisation des catalogues en ligne et autres bibliothèques numériques. Le fait « nouveau » est qu’il n’y a aucun débat à l’heure actuelle, dans nos chaumières associatives professionnelles qui ne fasse l’apologie du réseautage, de la mutualisation des ressources et des pratiques pour profiter des formidables opportunités qu’offre l’infrastructure électronique. Seulement force est de constater qu’entre les bonnes intentions, les fortes résolutions et l’application effective, s’étend le plus souvent une crevasse aussi large que profonde, que beaucoup de téméraires n’arrivent pas à franchir. Le principal argument bloquant est toujours celui des moyens financiers et matériels à mobiliser par nos Etats, mais qui ne sont pas prioritairement destinés aux univers documentaires africains (il faut le rappeler, hélas !). Mais cela doit-il pour autant plomber les initiatives et innovations sachant que les alternatives existent et qu’il suffit souvent d’un peu plus de volonté pour que des projets aboutissent, fonctionnent et se pérennisent ?

Mon coup de coeur, qui est à la base de cet article, me vient de la République Démocratique du Congo (ex Zaïre 🙂 pour les nostalgiques) où j’ai découvert un réseau de bibliothèques apparemment très bien organisé à tel point qu’il a pu mettre en ligne un catalogue collectif d’une douzaine de bibliothèques et centres de documentation membres du réseau. L’option logicielle utilisée par le réseau Mikanda est la solution Open source PMB qui a fait l’objet de billets dans ce blog. Ledit catalogue est accessible en ligne depuis ce lien.

Une autre initiative et réalisation louable est localisée dans le même pays. Le projet BibAfrica se veut être, selon son responsable Filip Kabeya, « une Bibliothèque Africaine pour tous et partout ». Son leitmotiv principal est de faire le marketing des bibliothèques africaines par l’élaboration d’un annuaire, la diffusion de leurs ressources et d’actualités les concernant entre autres.

Toujours dans la même zone géographique s’étend le Réseau documentaire international sur la région des grands lacs africains qui, il faut le souligner, a pu se faire avec le soutien financier de bailleurs extérieurs, au contraire peut-être des deux exemples cités supra. Ce réseau regroupe 06 pays avec une bibliothèque numérique de documents de provenance diverse. Toutefois ce projet semble être en léthargie au vu de la dernière mise à jour du contenu de la base de données qui date de 2007 et la présence de plusieurs liens morts sur le site Web. Néanmoins celui-ci est toujours accessible et si vous avez des difficultés à accéder à certaines de ses parties ou rubriques vous pouvez prendre cet autre chemin.

Le Sénégal dispose d’un portail national d’accès à l’information scientifique et technique, avec un moteur de recherche fédérée permettant de chercher sur des sources d’information nationales et internationales et d’accéder à des données bibliographiques et textuelles. Cette réalisation est le fruit du Projet SIST du gouvernement français. Le projet SIST Sénégal donne aussi accès à une plateforme fédérative de collections numériques universitaires utilisant la solution logicielle gratuite Greenstone. Celle-ci gagnerait sûrement a être étoffée pour prendre en compte toutes les autres bibliothèques numériques existantes et aussi disponibles sur BEEP (Bibliothèques électroniques en partenariat), le site fourni et maintenu par le pôle Documentation de l’IRD dans le but d’héberger des collections émanant d’institutions documentaires africaines.

La situation décrite dans ce billet est loin d’être exhaustive et de refléter la situation générale africaine en matière de réseautage et de diffusion de contenu documentaires dans le Web. Si on y avait ajouté les réalités de l’Afrique anglophone (avec les exemples de l’Afrique du sud, du Nigeria ou encore du Kenya) et du Maghreb, on verrait sûrement que beaucoup de choses se font dans ce cadre et que l’Afrique n’est pas à la périphérie du Web de documents, bien au contraire il en est acteur, même si c’est dans des proportions infimes par rapport aux continents plus développés. Elle aura certes toujours besoin de l’assistance des plus nantis qu’elle, mais son déplacement vers le centre du Web se fera aussi par une prise en charge autogérée et volontariste de la production et de la diffusion de ses contenus sur la toile.

Nous professionnels de l’infodoc africaine, qui sommes imprégnés et comprenons des concepts en vogue comme l’Open Access, maîtrisons de plus en plus les technologies libres disponibles, assistons à une amélioration sensible de l’infrastructure électronique et télécommunicationnelle dans nos pays, devons donc avoir cette volonté pour bâtir des réseaux documentaires fiables et viables où nous pourront échanger nos idées et pratiques, unir nos efforts et bâtir un patrimoine documentaire numérique qui viendra plus enrichir le Web de documents actuel et celui des données en gestation.

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3 commentaires sur « N° 68 – Réseaux et contenus documentaires africains dans le Web »

  1. Je confirme, un très bon article, non seulement attirant mais riche en contenu. ce qui nous permet de connaître davantage les richesses en patrimoine documentaire de l’Afrique. Merci pour le partage.

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