N° 46 – Pour une bibliothéconomie 2.0 plus « professionnelle »

Je poursuis mon plaidoyer pour que l’empreinte professionnelle soit de plus en plus marquée sur les plateformes Web 2.0, surtout ceux de partage de ressources Web. Outre le taggage fou qui y est constaté, j’y remarque souvent une autre forme de légèreté liée à la présentation de leurs références. Mon argumentation sera principalement axée sur Delicious, mais elle est tout aussi valable pour tout autre site de partage (type Connotea ou CiteULike).

Les « notices » descriptives de Delicious sont composées de 4 champs visibles (date de création, titre de la ressource, Notes, espace pour les tags). Delicious génère automatiquement le contenu de deux de ces champs : le titre, extrait de la balise <title> du code source de la page ou du site Web et la date, les autres étant renseignés par l’internaute qui propose le signet.  Le constat est que lors du processus de partage de la ressource :

  • nous nous contentons généralement du titre par défaut fourni par Delicious,
  • nous zappons le plus souvent la zone de notes sensée expliquer le contenu de la ressource signalée.
  • nos pratiques d’indexation (tagging) ne portent pas toujours le signe de la rigueur dans le choix des termes et leur transcription, (voir mon post précédent)

Devons–nous vraiment, en tant que professionnels de l’info-doc,  accepter d’être des adeptes de ce culte de l’amateurisme qui ne grandit pas notre rôle de médiateur d’information, d’être phagocytés par la grande masse  des internautes dont les pratiques spontanées contribuent à faire d’une partie du Web un grand capharnaum.

Je ne le pense pas.

L’idée véhiculée ici, est donc de professionnaliser les pratiques 2.0 des bibliothécaires et autres documentalistes sur les sites de partage des ressources web comme Delicious. Avoir le souci d’enrichir (ou embellir) ces notices comme nous le ferions pour une description bibliographique classique.

Comment arriver à accomplir cette exigence de professionnalisme ?

Voici quelques propositions personnelles

  • Choisir toujours, un titre explicite et concis. On peut toutefois se contenter de celui fourni par la plateforme, si celui-ci répond à ce désir de concision. Autrement, en fabriquer un (faut-il cependant le mettre en crochets carrés, pour suivre la logique de la norme ISBD ? 🙂 ). Aussi pourquoi, en suivant cette même logique, ne pas faire figurer dans ce champ titre une mention de responsabilité introduite par la barre oblique (Slash pour digital natives) pour identifier l’individu ou la collectivité créateur de la ressource ? Ceci permettrait d’un point de vue éthique, de mettre en avant leur travail et la compétence qui l’a sous-tendu.
  • Remplir systématiquement, la zone prévue pour la description de la ressource (Notes). Elle permet à l’internaute d’avoir un aperçu sur la nature, le contenu du site avant même de s’y rendre. Généralement toute page d’accueil d’un site propose un résumé de celui-ci et il suffit largement comme source d’information pour ce champ, sinon produire soi-même une brève description (genre analyse documentaire). Depuis quelques temps, j’insiste particulièrement sur cette pratique quand je signale des sites sur les différentes plateformes que j’utilise individuellement ou institutionnellement.
  • Mettre plus de rigueur dans le tagging en utilisant par exemple des taxonomies ou autres thésaurus. Et pour le cas spécial de Delicious, profiter de l’option « Tag Bundles » pour regrouper des mots-clefs sous une étiquette générique, équivalent ni plus ni moins, à créer des descripteurs maîtres comme dans un langage documentaire formel et hiérarchisé.
  • Enfin pourquoi ne pas « Labéliser » les ressources que nous partageons en tant que professionnels. J’aimerai bien faire le distinguo entre des ressources proposées par un professionnel et d’autres par  un internaute lambda. Ma « lubie » est d’imaginer un tag particulier (Doctag, Bibtag ?…) qui serait la marque par laquelle on pourrait savoir que telle ressource a été signalée par un bibliothécaire ou un documentaliste. Un narcissisme professionnel me fait croire que nos choix de ressources sont plus pertinents, parce que nous avons le meilleur profil de veilleur et de sélectionneur pour le Web 🙂 .

J’expérimente ces quelques idées sur mon compte personnel Delicious.

Les services de partage de ressources à orientation scientifique comme CiteULike ou Connotea, plus que Delicious, proposent des possibilités d’enrichissement de leurs notices par les champs de saisie qu’ils proposent, de même que LibraryThing dont le formulaire de saisie n’a rien à envier à un bordereau de SIGB. De tels outils nous permettent de  faire émerger notre expertise professionnelle en matière de description, tout en nous immergeant dans la dynamique participative et collaborative du Web.

La charge de travail occasionnée par un investissement dans l’espace partage des médias sociaux, surtout si on dispose de plusieurs comptes, peut être bien maîtrisée. En effet beaucoup d’extensions intégrables aux divers navigateurs (la palme à Firefox et filiale comme Flock) permettent d’alimenter semi-automatiquement ces plateformes. Si on utilise plusieurs de ces plateformes il est possible de les relier entre elles et réussir la « prouesse » d’être partout et nulle part en même temps : partager une ressource sur un outil principal et par un jeu de liaison (avec la technologie RSS) mettre à jour automatiquement les autres outils auxquels on a souscrits. Cette possibilité que j’appelle « transitivité 2.0 » doit être mise à profit pour tout bibliothécaire (2.0) utilisant plusieurs services.

Le web 2.0 en bibliothèques est loin d’être une corvée, il est aussi une histoire de passion. Passion due au fait que s’investir dedans permet de sortir d’un possible et probable train-train quotidien, de développer un esprit d’initiative, d’innovation et de faire de la bibliothéconomie ou de la documentation d’une autre façon et avec efficacité.

PS : Ce blog a aujourd’hui 2 ans d’existence, à cette occasion j’offre 20 invitations pour Google Wave. Un simple commentaire sur ce billet suffit en  n’oubliant  pas d’y faire figurer une adresse mail valide 😉 .

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2 commentaires sur « N° 46 – Pour une bibliothéconomie 2.0 plus « professionnelle » »

  1. c’est un travail très intéressant auquel je souhaite contribuer afin d’avoir la maitrise du web 2.0 qui devient incontournable dans les services d’infiormation (centre de documentation bibliothèque).

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